Signes ostentatoires religieux dans l’armée sénégalaise (ou le fanatisme républicain face à un supposé fanatisme religieux)
Depuis quelques jours, circule sur la toile une video d’un homme de tenue, qui appartiendrait à la police, dénonçant l’intrusion du fait religieux dans les corps militaires et paramilitaires. Avec des exemples à l’appui, l’officier a attiré l’attention sur le danger que constituerait l’expression de l’appartenance confessionnelle chez les forces de l’ordre.
Pourtant il ne semble y avoir rien de nouveau sous le soleil, car ce debat s’est posé il y a quelques temps, suite à l’affaire de l’officier qui avait dressé une haie d’honneur à son guide religieux. Cette affaire avait fait couler beaucoup de salive quant à la relation que la République était censée avoir avec la religion.
La question, elle est simple : la religion doit-elle s’effacer devant la toute-puissance de la république ? Ceux qui répondent par l’affirmative sont appelés affectueusement « républicains », tandis que nous qui répondons par la negative on nous qualifie avec mépris de « fanatiques » ou « obscurantistes ». Or, faut-il le rapoeler, le fanatisme n’est pas forcément religieux. En effet, toute croyance au-delà de ce qui paraît rationnel à certains pourrait revêtir ce qualificatif. Or la croyance selon laquelle la République serait au-dessus de la religion n’échappe en rien à la critique.
Il semble dès lors qu’il y a aussi des fanatiques républicains (« républicains daanoukat »), qui en dépit de leur « foi » ne paraissent pourtant pas connaître suffisamment les lois (ou sacro-saints « dogmes »)de la République. En effet, comment convoquer une prééminence de la République tout en ignorant ses lois ? Pour en revenir à la question des signes religieux dans l’armée, il ne ferait pas débat s’il existait des lois claires pour les encadrer. Autrement dit, s’il existait une loi de la république qui interdit à un militaire d’égrener son chapelet (pour reprendre un exemple de l’officer de la vidéo), ou simplement de pratiquer sa religion sous la tenue, ou de rassembler en groupes (dahiras ou autres), il n’y aurait pas matière à discussion. Il suffirait seulement d’appliquer la loi. Mais, en réalité, il n’existe aucune loi de la république qui interdise la pratique cultuelle à un militaire. Pour la simple raison que la liberté de culte s’applique à tous, civils comme militaires.
Pour les aspects plus subjectifs comme l’influence de la conviction religieuse sur une décision, c’est aussi la loi qui doit servir de limite. Est ce que la décision prise en considération de l’appartenance religieuse ou toute autre raison est légale etc. ? Sinon il existe des institutions republicaines chargées d’annuler ces décisions et même de sévir envers le contrevenant. En tout etat de cause il n’appartient pas à ce citoyen non investi du pouvoir de légiférer d’imposer à ses semblables des règles qui n’existent pas dans le corps de règles de la république.
En définitive, s’il est dangereux de manifester son appartenance religieuse dans l’armée, selon certains, il est encore plus dangereux de vouloir empêcher les gens de pratiquer librement
leur religion, comme le leur permettent les lois de la République. Et absurdes seraient de potentielles lois qui tenteraient de verser dans un tel fanatisme républicain dans un pays à 99% de croyants..
Fallou Mbacké