En relisant « Why Nations Fail », notamment la relation que les auteurs établissent entre Peste noire, révolution glorieuse et révolution industrielle, on voit comment cette dernière est née de la rencontre de découvertes scientifiques et de ce qu’on pourrait appeler non sans anachronisme l’esprit capitaliste.
En un mot, le capital a rencontré la science dans un contexte institutionnel où les règles de la propriété ont été clairement définies pour enfanter de la révolution industrielle. La lettre de James Watt écrivant à son père après l’invention de la machine à vapeur est le meilleur exemple pour illustrer ce mariage de la science et du capital. A partir de ce narratif et tenant compte des développements subséquents on peut définir trois types idéaux de révolution industrielles ou d’industrialisation, l’une plus basée sur le capital avec des acteurs qui sont passés du capitalisme marchand à un capitalisme industriel, une autre basée plus sur ce que Nehru appelait le « tempérament scientifique » dont il a fait des le début le fondement du projet développemental indien et une troisième alliant les deux, jouant souvant sur l’attractivité du marché du travail.
Cette taxonomie très ramassée de plusieurs années d’histoire économique permet de mesurer la distance symbolique qui nous sépare d’une révolution industrielle. D’une part, le tempérament scientifique ne semble pas nous habiter, cloîtré que nous sommes dans un environnement magico-fetichiste et d’un fétichisme des langues et des sciences molles ou un subjonctif bien placé est plus important qu’une formule bien maîtrisée .
D’autre part, l’esprit capitaliste nous habite peu, et au lieu de la culture de l’investissement si présent dans le modele occidental , ou celle de l’épargne qui a été si importante dans l’industrialisation chinoise et qui a été attribué au confucianisme, nos sociétés sont marquées par un rapport quasi religieux à la consommation, une consommation souvent ostentatoire, extravertie et socialement contraignante.
L’absence du tempérament scientifique doublée de la faiblesse de l’esprit capitaliste qui nous éloigne de l’investissement et nous place dans ce que Dangote appelle la culture du négoce nous détourne du sentier de l’industrialisation. Elle nous fixe dans l’artisanat, refusant par exemple dans le domaine de la pêche de monter d’un grade nos capacités bien que voyant depuis plusieurs décennies comment cette activité est devenue une affaire de « gros joueurs ».
Dans la distribution, l’esprit de négoce a animé nos opérateurs économiques jusqu’au jour où Auchan est venue nous réveiller.