Sata, 22 ans, s’est mariée à Ibra, 25 ans, qui avait donné une dot de 500 000 FCFA. Avant que son futur époux ne fasse sa connaissance, Sata a été élevée depuis 22 années par ses parents, qui l’ont éduquée, soignée, mise à l’école et lui ont transmis des valeurs… jusqu’au jour où Ibra tomba sous son charme et demanda sa main.
Un an après leur mariage, Sata accoucha d’un petit garçon. Et là, survint le désespoir de sa mère, qui doit procéder au fameux « yebbi » à la belle famille. Les moyens lui faisant défaut, elle « ramassa » sa tontine, contracta un crédit, sollicita toute sa famille et récupéra ses « ndawtal ». La somme qu’elle a pu laborieusement réunir s’élève à 1 500 000 FCFA, soit 3 fois le montant de la dot. La mère de Sata est ainsi prête à acheter les cadeaux à offrir à la belle famille. Cette pratique est érigée en une obligation par les coutumes et représentations sociales de notre pays.
Pourtant Sata avait arrêté ses études pour aller vivre à la maison familiale, s’occupant de son mari, des parents de ce dernier et des tâches ménagères malgré la grossesse. Elle faillit perdre la vie en donnant un fils à son époux, un petit-fils à ses beaux-parents, un neveu à ses belles sœurs et beaux-frères. Pourquoi alors sa mère serait-elle tenue de rendre trois fois le montant de la dot à la belle-famille comme s’il agissait d’une dette ?
S’il est vrai que la « téranga » est une valeur essentielle de notre société, ne devait-il pas s’opérer tout au long de l’année, si possible en toute discrétion et surtout avec le cœur ? Pourquoi attendre la venue au monde d’un enfant pour se donner en spectacle dans une entreprise qui, au fond, ruine durablement une partie de ceux qui sont impliqués ?
Cette pratique aurait été acceptable si la personne qui s’y adonne avait les moyens de s’y atteler, et encore. Le drame est que d’aucuns s’endettent pour des mois, voire des années pour flatter leur égo pendant quelques heures et se faire remarquer dans le moment furtif du « yebbi ».
Je me pose des questions sur ce phénomène depuis des années et ne parviens toujours pas à en saisir le sens. Le drame continue et ruine notre marche vers le développement. Le « yebbi » n’a décidément aucune valeur ajoutée, ni sur le plan religieux ni sur le plan social. Hélas !