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La-faute-au-parentisme [par Dr Khadim Ndiaye]

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Dire de certains événements malheureux sociaux qu’ils sont de la faute aux parents, est certes une tentative d’explication, mais c’est le degré zéro de l’analyse sociale.La-faute-au-parentisme est une explication simpliste de problèmes complexes.

Elle n’est pas une exclusivité africaine. En France, certains politiciens, depuis quelques années, n’hésitent pas à incriminer les parents qui seraient selon eux cause du « radicalisme » de certains jeunes. Mettre en cause les parents est une vieille tradition dans ce pays. Au temps du Second Empire, on incriminait déjà les parents des classes populaires qui poussent, disait une circulaire de 1853, « leurs enfants à commettre des délits dans le but de se décharger sur l’État du soin et du devoir de les élever ».

Un fonctionnaire de la préfecture du département de la Seine, chef du fisc français et économiste, Honoré Antoine Frégier, avait même publié un livre qu’il n’avait pas hésité à titrer « Des classes dangereuses de la population dans les grandes villes ». La délinquance serait l’affaire de « classes dangereuses » qui sont les nouvelles classes laborieuses urbaines. Les pères et mères de ces « classes dangereuses » seraient les principaux responsables.
La misère est criminalisée. Circulez y’a rien à voir !

Le 18 janvier 1975, au Sénégal, le président Senghor n’avait pas hésité, lui l’humaniste, à qualifier les populations qui fuient la misère des zones rurales et qui s’implantent à Dakar, de « déchets humains ». Dans la foulée, la loi N° 75-77 du 9 juillet 1975 sur la « Répression des vagabonds et mendiants » est votée. Eh oui, puisque les « classes populaires dangereuses » envahissent les villes, il faut être sans pitié. La vision associant misère et crime est actée. Les causes profondes de l’exode rural passent au second plan.

Aux États-Unis, la criminalisation de la misère et des géniteurs est allée beaucoup plus loin. L’explication consiste à mettre en cause les « gènes » des parents transmis aux enfants. On se souvient de la déclaration du sénateur républicain William Bennett en 2005 : « If it were your sole purpose to reduce crime, disait-il, you could abort every black baby in this country, and your crime rate would go down. (Si vous voulez réduire le crime, faîtes avorter chaque bébé noir dans ce pays…). Bennett reprenait en réalité les thèses du médecin italien, Cesare Lombroso (1835-1909), pour qui le crime est biologiquement déterminé. Pour comprendre le crime, il faut, disait-il, étudier le criminel et non les circonstances qui ont conduit au crime.

Le chômage et la pauvreté sont le fait des gènes concluaient de leur côté les Américains Richard Herrnstein et Charles Murray dans leur ouvrage « The Bell Curve ». On a trouvé par la suite que l’ouvrage était financé par le Pioneer Fund, un organisme suprémaciste basé à New York et fondé en 1936 par l’eugéniste Wickliffe Draper.

Puisque le chômage et la pauvreté sont le fait des gènes, il est donc plus facile d’éliminer les porteurs de ces gènes que les véritables causes qui traduisent très souvent l’échec des politiques publiques qu’on ne veut pas mettre de l’avant.

La théorie de « la-faute-au-parentisme » a décidément de beaux jours devant elle. Elle est encore brandie aujourd’hui par des politiciens qui ont fait de la mal gouvernance une culture.

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