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La crise en Guinée… l’humilité d’abord [par Seydina Omar Ba]

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La crise en Guinée
La crise en Guinée

La crise actuelle en Guinée soulève des commentaires qui pourraient faire sourire si la situation n’était pas aussi grave. On peut en effet lire certains Sénégalais pousser les jeunes Guinéens à la révolte et à « refuser ce que Condé veut leur imposer ». Or, ces mêmes Sénégalais assistent depuis 2012 à une chape de plomb imposée par leur Président de la République sans que cela conduise à des actions autres que des « sit-in » ou des protestations sur les réseaux sociaux.

Posons en effet une question simple : depuis 2012, qu’est-ce que Macky Sall n’a pas eu envie de faire qu’il n’a pas fait sur le plan politique ? Rien. Notre président a au moins une qualité : la constance dans ce qu’il a envie de faire. Son palmarès est très consistant depuis son accession au pouvoir.

Qui ne se souvient pas du calme plat qui a suivi l’élection présidentielle de février 2019 malgré le fait que le scrutin ait été entaché de nombreuses irrégularités tant dans le contenu du protocole électoral que dans l’organisation du vote en lui-même. Personne n’a d’ailleurs été choqué par la surprenante déclaration des 4 autres candidats de l’opposition de ne pas protester, allant même jusqu’à renoncer à porter l’affaire devant le Conseil Constitutionnel.

Je veux en venir au fait que nous n’avons pas de leçons de révolte ou de contestation à donner aux Guinéens. Notre rôle doit se limiter à les soutenir dans toutes les initiatives visant le respect de leurs droits civils et politiques. Nous ne sommes pas les mieux placés, en tant que Sénégalais, pour leur indiquer la conduite à adopter en la matière tant nous avons été passifs toutes les fois où il a fallu dire collectivement et fortement NON.

Cette fameuse question de 3ème mandat est en train de faire son chemin au Sénégal, mais les seules réactions s’opèrent sur des plateaux de télévision avec des slogans type « Macky n’a pas le droit… », « la Constitution dispose que… », « l’article tel ou l’alinéa tel… », etc. Or, la seule action qui vaille est celle qui imposerait au Président de ne pas penser à ce 3ème mandat. En clair, il ne devait pas avoir le choix ! Malheureusement, il a réussi à installer le débat alors que débat il ne devait même pas y avoir. Il n’est donc pas exclu que ce qui se passe présentement en Guinée frappe à nos portes en 2024 parce que nous n’aurions pas réussi à résoudre le problème une bonne fois pour toutes, au moment où il le fallait.

En définitive, je suis assez d’accord avec l’analyse de notre ami Moustapha Diop (Walf) qui considère que le défi des peuples africains n’est pas d’imposer à leurs présidents sortants le respect des résultats des urnes, mais de les contraindre à respecter les dispositions de la Constitution dès lors que celle-ci limite à deux (2) le nombre de mandats consécutifs. Or, en dépit des efforts colossaux s’étant soldés par plusieurs morts, le Sénégal n’y est pas encore parvenu. Comment pourrions-nous alors donner des leçons à d’autres pays ?

Au fond, il est assez malheureux, en 2020, alors qu’une multitude de défis – sociaux et économiques – nous fait face, nos peuples soient encore englués dans des sujets purement électoraux, ne parvenant même pas à stabiliser le système de désignation de leurs dirigeants. Sous ce rapport, il est presque risible d’entendre une certaine société « dite » civile gesticuler, s’égosiller pour la Guinée alors que nous sommes tous incapables d’obliger nos propres dirigeants à respecter les dispositions de notre propre charte fondamentale.

Toute cette situation doit donc nous dicter la plus grande humilité. Aidons la Guinée à rester debout, mais évitons de leur donner des leçons de démocratie, car notre pays a cessé d’être une révérence en la matière depuis belle lurette. Évitons également les déclarations à l’emporte-pièce qui pourraient se solder, à l’avenir, par des relations difficiles entre les deux pays.

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