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Femme sénégalaise ou personnage ambivalent [Par Maïmouna Thior]

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Maïmouna Thior
Maïmouna Thior, PhD student in Sociology of Gender and Equality Féminisme| Identité|Culture|Religion

Nous sommes en train d’assister à ce que nous pourrons appeler « le siècle des femmes ».

Partout dans le monde, les faits liés à la gente féminine font beaucoup de bruits et font bouger les normes sociales. Le monde musulman qui, est connu pour ses rapports spéciaux aux femmes, n’est pas épargné de cet air frais qui renouvelle des modes de vie et de pensée jadis mécaniques.

La question féminine est encore plus ambiguë et épineuse sous les cieux du monde musulman subsaharien où le cocktail des traditions locales et de l’Islam est explosif, surtout quand on essaie de la penser dans une institution religieuse orthodoxe. L’expression « place des femmes en Islam » est devenue la voie par laquelle on pourrait sauver le dernier rempart qu’est l’occidentalisation après les bribes de la colonisation. En parlant d’Occident, on pourrait aussi convoquer les influences des cultures arabo-musulmanes sur les peuples subsahariens et leurs femmes. Ces dernières sont dans un entre-deux qui donnerait l’impression qu’elles sont perdues entre un sentiment de culpabilité versus une volonté de liberté car on ne leur propose aucun horizon autre que la soumission aveugle ou une délégation de soi.

La norme sous nos cieux voudrait que pour qu’une femme accède aux bienfaits d’ici-bas (la réussite de la progéniture, l’épanouissement personnel, une piété validée, une reconnaissance sociale…), qu’elle passe par l’homme ou l’époux pour être éprouvée ou recalée. Idem pour les bienfaits dans l’au-delà, il faudrait préalablement l’arracher à la plante des pieds de l’époux. Ce qui insinue vraisemblablement qu’on est FEMME que quand on est mariée ou rattachée à un homme.

Or, il n’y a aucun discernement de genre dans la pratique des piliers de l’Islam, chaque être ayant prononcé la Chahada (l’attestation de foi) doit obéir à ses rituels, que la femme soit mariée ou pas. Il y’ a un énorme paradoxe entre ce qui est écrit dans les textes sacrés et ce qui se passe réellement dans le monde des hommes. L’Islam aurait donc rétablit dès ses débuts une place normale aux femmes, mais la majorité des sociétés musulmanes leur privent de beaucoup de droits et les traite comme des mineures dans plusieurs domaines. Malheureusement cette privation, dépouille le monde musulman subsaharien d’une riche contribution de la part des femmes.

Mais de quel Islam parle-t-on dans la problématique de la libération des revendications féminines, est-ce l’islam en tant que courant, en tant que droit musulman ou de condensé de hadiths… ? Il faudrait peut-être réinterroger tous ces concepts qui peuvent avoir le même objectif mais exprimés de façons différentes. Les latitudes permises par les textes sont assez claires et formulent une éthique de justice et d’égalité relativement avant-gardiste sur notre époque. Nous pouvons tous nous rendre compte que dans la Sirah, le Prophète(psl) a toujours été sensible aux questions des femmes et de toutes les personnes vulnérables mais c’est la codification des sciences du hadith qui est apparu tardivement et l’instrumentalisation politique des questions féminines, ont participé à l’évaporation du vrai sens des hadith. Ces derniers forment une sorte de bouclier face à toutes idées de réforme. On assiste donc à une sorte de dénégation de l’idée d’émancipation ou de libération des femmes.

L’appropriation de la religion par les jeunes auraient pu contribuer à la reconsidération des droits des femmes octroyés par le Coran au lieu d’un étouffement de vérités via des interprétations biaisées. Aujourd’hui il est plus que jamais pertinent d’imposer la scolarisation des filles en sciences islamiques à l’image de la scolarisation à l’école française parce que la domination masculine de cette époque sur les femmes émane des deux types de savoir. Les arguments apportés pour justifier la subordination des femmes apparaissent comme une sorte de ruse qui définit les femmes en termes subtiles comme des enfants, des êtres qui ont besoin d’être soutenus, approuvés, éduqués, accompagnés… au lieu des êtres à part entière.

Maïmouna Thior

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