Un policier rampe devant son guide religieux et l’assume, la hiérarchie sévit.
Le débat s’installe d’autant que ce n’est pas un cas isolé.
Bien au contraire. Pour moi, la vraie question est de savoir pourquoi depuis que le Sénégal existe nous n’arrivons sereinement à discuter des lieux communs pour construire des convergences minimales et définir notre propre cosmovision.
Ce travail fondamental me paraît très négligé car de part et d’autre, des tranchées se sont installées et bloquent toute tentative de favoriser les passerelles. Notre survie en tant de Etat nation (si cela a encore un sens) dépendra aussi de notre co et auto-construction qui remet au cœur des enjeux notre moi pluricéphale.
La question fondamentale est de savoir s’il est possible de bâtir notre société à partir de la cosmovision mimétique d’une autre société ? Les boliviens nous offrent une belle illustration.
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Le débat controversé sur les fondements laïcs de notre république polarise plusieurs acteurs. Déjà, nous observons que certains veulent cristalliser le débat entre des pro et des anti laïcités. Mais nous avons le sentiment que notre défi c’est qu’il y a beaucoup de … »ambi-laïc ». Nous ne sommes pas anti laïcité mais nous sommes contre une certaine laïcité issue des flancs de l’histoire européenne et de la colonisation.
En réalité se pose en filigrane la question de la « reconquête » des principes éthico-moraux et culturels de la société sénégalaise et comment les mettre en pratique dans le contexte d’un Etat « moderne ». La difficulté épistémologique c’est de sérier ces principes. Cela demande un important travail pour sortir des particularismes et s’accorder sur de vrais principes unificateurs. En somme casser ces bipolarités.
La Bolivie nous offre une illustration pertinente de ce que pourrait être les conclusions pratiques d’un débat de cette nature. Un des crédo était « ne sois pas lâche, ne sois pas menteur, ne sois pas voleur ». Après, les Boliviens se sont donnés un certain nombre de principes comme la recherche de consensus entre tous, bien que les personnes aient des différences. Défendre l’identité. Ils disent même » récupérer l’identité ». Apres cela devient très intéressant. Par exemple il y a le principe de » savoir manger ». Pour eux cela veut dire d’abord manger local et en fonction des produits de saisons. Par exemple une des implications de cela c’est donner un rôle prépondérant à l’agriculture familiale, la restitution des terres aux communautés, éviter la prégnance des agro-business , etc. Certains principes portent sur la régulation sociale. Reconnaître et restaurer les cadres traditionnels de regulation sociale et en faire des leviers de démocratie participative.
De même, le consensus entre les communautés pour s’approprier et récupérer les ressources naturelles du pays et permettre que tous bénéficient de celles ci d’une manière équilibrée et équitable a été traduit en un acte concret de gouvernance avec la nationalisation et la récupération des entreprises stratégiques. Écouter les vieux, respecter la femme. Par exemple la notion de « savoir communiquer qui implique l’activation des canaux de communication entre les groupes mais aussi avec les …dieux. Savoir danser. Ce n’est pas aux socio anthropologues qu’on va rappeler les fonctions de la danse !. Savoir boire aussi. Qui est un appel à la …..modération et à la convivialité.
Ces principes très simples sont le fruit de processus de dialogue et un travail de recherche de consensus de principes « de vie commune » entre les Aymara, les Quechuas et les Guaranis en Bolivie. Donc la cosmovision andine a pu servir de base pour élaborer une vision de ce que ce pourrait être le « developpement » de leur pays. La question n’est de voir si la Bolivie a pu devenir un pays riche et prospère ou plus stable. Mais bien sur que nous nous interessons au processus de « récupération » de soi-même. Le mot developpement n’existe pas dans les langues locales en Bolivie. C’est une vision très généreuse , très écodeveloppent et aussi anticapitaliste. Mais au moins ils sont allés puiser dans leurs fonds culturels. http://www.ecominga.uqam.ca/WEB/fr/bien_vivre_bolivie.pdf.
Evo Morales a osé supprimer le statut du catholicisme comme « religion officielle ». C’est quand même le premier président indien de la Bolivie, donc il avait un défi culturel et idéologique personnel. Certains vont tout de suite rétorquer pourquoi aller chercher des références en Bolivie et trouver tous les maux de ce pays. Mais puisque nous discutons de laïcité, c’est intéressant de voir comment ce pays a pu se doter d’une Nouvelle Constitution Politique de l’Etat Plurinational (février 2009) qui reconnaît l’indépendance de l’Etat sur le plan religieux, un Etat qui « respecte et garantit la liberté de religion et de croyances spirituelles en accord avec les cosmovisions ». C’est un pays où il ya eu des liens tres anciens entre l’Etat et l’Eglise catholique. https://amnis.revues.org/1755. Malgre tout beaucoup qualifient à tort ou raison la Bolivie comme étant un pays à l’avant garde de la laicité ou l’autre pays de la laïcité. http://www.rfi.fr/…/20150623-bolivie-eglise-relations…
Et si sans fétichisme ni dogmatisme nous nous inspirons de ce modèle bolivien si inclusif et si endogène ? Dans ce cheminement, déconstruire les bipolarités et envisager en profondeur les consensus majeurs sont déjà une option porteuse de progrès et de refondation nationale. Nous avons des « instances de dialogue intra et inter confessionnelles », des « pinthie » lebous, des grands Serigne. Il existe d’autres formes de « pouvoirs traditionnels » comme en Casamance et ailleurs. Comment créér des processus qui permettent un dialogue et surtout une prise en charge de ces diversités fécondes pour le pays ? Et si nous pensions le monde en terme d’inclusion et d’appropriation de lieux communs ? Nous pourrions peut être réussir cette « récupération » de soi même qui reste une priorité nationale pour fédérer harmonieusement nos différences dans notre cosmovision si éclatée.