Cette affaire des centres de ressassement est, au fond, une interpellation pour nous tous. Elle nous met sous le nez une réalité que nous refusons de voir, nous rappelle cruellement notre échec collectif, notre incapacité, après 60 ans d’indépendance, à assurer à une jeunesse qui a dévié des raisons de rester debout, de tenir allumée la flamme de l’espérance.
Au lieu de nous dicter une indignation sélective, cette affaire devrait plutôt nous infliger une honte collective. Cette honte qui doit caractériser une société qui n’a que l’opprobre et la violence à offrir à ceux qui dérapent, ceux qui basculent, ceux qui tanguent.Dans ce champs de ruines national, où les espoirs sont durablement ensevelis, certains tentent, avec les moyens du bord, de sauver ce qui peut encore l’être d’une jeunesse tellement désabusée qu’elle préfère s’offrir à la mer par centaines.
L’actualité récente en a encore donné un macabre aperçu. S. Modou Kara fait partie de ces Sénégalais dont on peut critiquer l’exubérance, mais à qui on est tenu de reconnaitre un amour profond pour le Bien et un goût immodéré pour le risque. C’est sans doute cette caractéristique qui lui joue souvent des tours. Réunir des drogués, des violeurs, des malfaiteurs… des criminels en se donnant comme objectif de les remettre sur le droit chemin est un risque majeur qui nécessite un cran et des épaules que la plupart de ceux qui crient au scandale n’ont pas. Au fond, dans un pays normal, une société qui sait tenir sa jeunesse, des « Kara » n’existeraient pas.
Ces centres existent parce que les pouvoirs publics, les familles, les maisons d’arrêt et de correction… ont échoué à prendre en charge une frange de la population que l’on ne saurait pourtant jeter. Cette frange fait partie de nous et nous rappelle notre cruelle fragilité humaine.
Elle nous rappelle que la vie peut basculer à tout moment et quand l’incident arrive une main tendue s’avère notre vœu le plus ardent. S’arrêter sur les images diffusées à profusion dans les réseaux sociaux, c’est méconnaitre la profondeur du mal qui gangrène notre société. Ayons présent à l’esprit que nous vivons dans un pays sinistré où la débrouillardise est la règle, y compris pour assurer la plus noble des missions : l’ÉDUCATION. C’est de ce pays dont il est question au-delà de toutes les rodomontades droit-de-l’hommistes.
J’estime pour ma part qu’il n’y a pas de mauvais moyen pour redonner un avenir à un concitoyen qui pensait l’avoir définitivement perdu. Les pouvoirs publics sont peut-être en train d’assurer la mission régalienne de maintien de l’ordre qui leur est confiée, mais ils failliraient à cette mission en faisant l’impasse sur les réalités et les fragilités de la société dans laquelle nous évoluons. Paix sur notre pays !